Éléments de balistique intérieure

Éléments de balistique intérieure

La balistique intérieure a pour but l'étude des pressions et du mouvement du projectile à l'intérieur de la bouche à feu.

Instruments de mesure de la pression 

Etuis de rechargementIl est donc indispensable de disposer d'instruments de mesure pour évaluer les forces développées et permettre ainsi de définir les types et les charges de poudres les mieux adaptés à chaque cartouche et chaque calibre, en fonction de la résistance du matériel.

Dès l'instant où, sous l'effet de la percussion, la composition amorçante enflamme la charge de poudre, il se produit un débit de gaz qui élève la pression; à partir d'une certaine valeur, le projectile se met en mouvement, ce qui a pour conséquence d'augmenter la capacité dans laquelle brûle la charge de poudre. Ces phénomènes se produisant dans un temps extrêmement bref, leur étude est des plus délicates.

On se représente généralement la pression comme étant une force statique par unité de surface, mais, dans une bouche à feu, la masse gazeuse subit des mouvements violents, et la pression n'est pas uniforme en tous les points de la chambre à poudre.

On a donc pensé très tôt à étudier le phénomène en vase clos, ce qui permet de considérer seulement la combustion, abstraction faite de la phase de détente. L'appareil utilisé est la bombe manométrique, employée surtout pour déterminer les caractéristiques des poudres.

Il existe également des canons spéciaux (canons d'épreuves) dont les normes sont rigoureusement définies et qui s'adaptent sur des blocs de mesure. A une certaine distance de la tranche de culasse est percé un trou qui fait communiquer la chambre de combustion avec un manomètre ; on utilise, dans ces canons, des cartouches normales ou des cartouches d'épreuve.

Mais, pour évaluer une force, il faut, d'une part, disposer d'une unité ou d'un repère étalon et, d'autre part, d'appareils enregistreurs. Les unités utilisées sont assez diverses et, quelquefois, l'utilisateur n'en saisit pas bien les différences.

Le nombre de kilogrammes par centimètre carré est basé sur le poids pris comme unité de force, mais cette unité est variable d'un lieu à un autre, en raison des différences d'intensité de l'attraction terrestre (g).

L'atmosphère est une unité basée sur la pression équilibrée par 76 cm de mercure, en tenant compte du g conventionnel (exactement, 980, 665 cm: sec2). La mégabarye ou Bar est voisine de 1 atmosphère ; c'est le multiple décimal (X 1 000 000) de la dyne par centimètre carré ou unité C.G.S. (basée sur le centimètre, le gramme et la seconde). C'est cette dernière unité qui est généralement utilisée en France pour désigner les pressions dans les bouches à feu (à noter que 1 kg cm2 vaut 981 000 dynes, ou 0,981 Bar).

Les appareils enregistreurs utilisés jusqu'à ces dernières années étaient dits ° statiques ", c'est-à-dire opposant à la force à mesurer une force variable dont on connaît l'intensité et avec laquelle on cherche à lui faire équilibre. L'un des plus anciens appareils de ce type est le poinçon Rodman, créé en 1 857 par le major Rodman, de l'artillerie des Etats-Unis; le système comportait un couteau qui, sous l'action de la pression des gaz, pénétrait plus ou moins profondément dans une rondelle de cuivre.

C'est en 1868 que la Commission anglaise des substances explosives adopta un nouvel appareil dit " à crusher" (écraseur), proposé par le capitaine Noble, et qui était, en quelque sorte, un perfectionnement du système précédent. Le couteau était remplace par un piston, et la rondelle de cuivre par un petit cylindre. C'est la mesure d'écrasement du cylindre, sous l'action des gaz, qui déterminait la valeur de la pression. Mais ces mesures ne pouvaient être interprétées qu'en se référant aux " tables de tarage " qui définissaient les valeurs d'écrasement des crushers et ont donné lieu à de très nombreuses études.

Pendant près d'un siècle, le système à crusher, malgré ses imperfections dues en particulier aux forces d'inerties et de frottements, a été utilisé, avec quelques variantes, par tous les laboratoires de balistique du monde.

C'est cependant peu après la Première Guerre mondiale qu'ont été expérimentés les premiers appareils piézo-électriques utilisant la propriété qu'a le cristal de quartz de se charger d'électricité sous une forte pression. Dans les premiers appareils, c'était la trace d'un faisceau cathodique sur une plaque photographique qui donnait le développement de la pression ; mais de nombreuses causes de variation ne permirent pas de consacrer ce nouveau système. Il fallut attendre l'avènement de l'électronique pour avoir maintenant des capteurs piézo-électriques directement reliés à des traducteurs qui affichent les résultats en clair sur un compteur. L'énorme avantage de ce système, outre sa précision, est de donner le développement des pressions en fonction du temps.

Ce sont ces derniers appareils qui sont utilisés par le laboratoire de la Société nationale des Poudres et Explosifs.

Les signes extérieurs de pression

En dehors des indications données par les laboratoire de balistique et les manufactures de munitions, l'amateur qui recharge ses cartouches ne dispose d'aucun moyen scientifique pour déterminer la pression; il est cependant très important de connaître la limite de chargement au-delà de laquelle il y a danger. C'est ici qu'interviennent plusieurs moyens d'appréciation non négligeables, basés sur l'observation de certains phénomènes dus à un excès de pression. Bien entendu, ces observations s'appliquent toujours à des armes en excellent état.

 

Le cas le plus typique est la difficulté d'extraction de la douille, ou même l'impossibilité d'ouvrir la culasse ; c'est la preuve que la limite d'élasticité de l'étui a été dépassée. Le degré d'écrasement de l'amorce peut également servir d'indication, à la condition, bien entendu, qu'il s'agisse d'amorces de même marque et de même type. Dans certains cas, l'excès de pression peut refouler le percuteur ; l'empreinte de ce dernier prend alors la forme caractéristique d'un cratère.

Si la douille présente des traces noirâtres près du collet, c'est qu'il y a eu fuite de gaz vers l'arrière ; contrairement à ce que l'on peut penser, il s'agit là d'une pression insuffisante pour assurer l'autofreffage de l'étui contre les parois de la chambre. Une rupture d'étui n'est pas forcément la conséquence d'une surpression ; cet incident peut avoir pour cause une fatigue excessive de la douille qui a servi un trop grand nombre de fois.

Un excès de feuillure peut également provoquer des ruptures d'étui, d'autant plus dangereuses qu'elles se produisent presque toujours près du culot. La feuillure est l'espace compris entre la tranche de culasse et la butée de l'étui.

Suivant le type de la cartouche, cette butée peut être : soit l'épaisseur du bourrelet ou de la ceinture, soit la longueur totale de la douille, soit la partie inférieure de l'épaulement. L'excès de feuillure se manifeste surtout avec des' cartouches à collet rétreint (cartouches de fusils), et a pour cause, dans 90 % des cas, un recalibrage défectueux ; en effet, si le recalibreur intégral est aux cotes minimales, y compris la longueur, et que le chambrage du fusil soit avec cotes maximales, l'épaulement de la douille sera refoulé légèrement plus bas et la cartouche aura un certain jeu longitudinal dans la chambre avec la culasse fermée. Il est possible aussi que le shell holder ne soit pas de la même marque que le recalibreur et soit moins épais que l'outil d'origine. Mais il suffit de connaître ces détails pour y remédier facilement, en réglant l'écrou du recalibreur en conséquence.

 

Bien entendu, il n'est pas question ici d'armes bricolées, sur lesquelles on s'est contenté de changer le canon, sans avoir procédé aux vérifications et mesures nécessaires.

 

Causes de variation de la pression

Les causes de variation de la pression dans une arme à feu sont très nombreuses. Chaque élément de la cartouche peut avoir une influence, abstraction faite, bien entendu, du type de la poudre et de la charge.

Le Projectile

Du diamètre dépend la valeur du forcement ; or, suivant les marques, les différences sont assez sensibles : par exemple, pour le calibre 6,5 mm, nous trouvons: Speer 6,65 mm; Sierra 6,68 mm; DWM 6,70 mm. Pour le calibre 308, nous trouvons: Balle M 2- 7,81 mm; Remington - 7,82 mm; Winchester - 7,83 mm. Tous les calibres présentent ainsi de légères différences, suivant l'origine du projectile. Mais le diamètre n'est pas seul en cause, il y a également la nature du blindage ou du métal dont est fait le projectile. Même les balles de plomb peuvent provoquer, dans certains cas, des surpressions ; si la poudre est trop vive, et l'alliage trop mou, il peut se produire un refoulement (champignonnage) de la balle au culot.

La Douille

Pour un même calibre nominal, les douilles de diverses origines présentent des différences de profil intérieur et d'épaisseur; il est facile de s'en convaincre par la pesée. Le cas le plus typique est la transformation d'étuis militaires en douilles civiles; par exemple, une 30-06 modifiée en 270 ou 8 x 64 donnera inévitablement, avec les charges normales, des pressions plus élevées. Le diamètre du trou d'évent a également une influence sur l'inflammation de la charge. Il existe d'ailleurs des jauges spéciales pour mesurer ce diamètre.

L'Amorce

La régularité d'inflammation de la charge dépend, pour une bonne part, de l'amorce. Le très faible poids de la composition amorçante (quelques milligrammes) et la très faible épaisseur du métal de la capsule rendent d'autant plus sensibles les tolérances de fabrication. D'autre part, les caractéristiques chimiques et thermodynamiques varient suivant les marques et les types.

Le Sertissage

La combustion de la poudre s'accélère lorsque la pression augmente, en fonction de la résistance de l'expansion des gaz ; on comprend, dans ces conditions, l'importance du sertissage, et surtout de sa régularité. Son influence se manifeste d'autant plus que la poudre est plus vive. Le sertissage n'est pas obligatoirement un resserrement plus ou moins prononcé des lèvres du collet; dans certains cas, il n'est pas apparent, c'est alors la tension du collet qui assure la résistance à l'arrachement.

L'irrégularité d'un sertissage arrondi ou conique provient d'un allongement inévitable de la douille après un certain nombre de rechargements, quelquefois même après le premier tir. Il est donc indispensable de vérifier fréquemment la longueur des étuis, au moyen d'un pied à coulisse ou d'une jauge spéciale, et de ramener les douilles à la cote d'origine avec un " case trimmer ". L'irrégularité d'un sertissage droit (par tension du collet) est beaucoup plus difficile à corriger; c'est ici un défaut de concentricité du collet qui est en cause. Il existe des fraises de rectification, soit intérieures, soit extérieures, qui se montent sur certains case trimmer.

On ne pourrait terminer cette petite étude, sur les causes de variation de la pression, sans parler d'un phénomène assez paradoxal où une réduction de charge peut, dans certains cas, entraîner des surpressions extrêmement dangereuses.

Cette mise en garde figure dans bon nombre de manuels de rechargement, y compris Norma. Il est donc indispensable que le rechargeur en soit informé. De quoi s'agit-il ? et comment, contre toute logique, une réduction de charge peut-elle provoquer des pressions suffisantes pour faire éclater une arme ? lI faut, tout d'abord, rassurer l'amateur; un tel accident ne peut pas se produire avec les munitions les plus couramment utilisées (cartouches d'armes de poing et de capacité moyenne).

Si l'on est totalement ignorant en ce qui concerne les causes réelles qui déclenchent le phénomène, il est bien établi qu'il faut réunir deux conditions : premièrement, une cartouche dite Il over bore ", c'est-à-dire dont la capacité de la douille est très élevée par rapport au calibre, et, deuxièmement, la réduction de charge opérée sur une poudre très lente, mais - et c'est là encore un point explicable - la surpression n'est pas systématique.

Dans son remarquable ouvrage " Handbook for Shooters and Reloaders Parker O Ackley consacre un chapitre à l'étude de ce phénomène, avec exemples à l'appui et différents tests et essais; plusieurs arsenaux et laboratoires l'ont constaté incidemment mais ne sont jamais arrivés à le provoquer délibérément.

L'une des plus anciennes observations a été mentionnée par Paul Vieille dans les relations d'essais à la bombe manométrique et figure dans l'ouvrage de J. Ottenheimer (' Balistique intérieure ") page 80 : ... " Lorsque la charge de poudre n'occupe pas toute la longueur de la chambre à poudre, ou n'est pas soigneusement alignée le long de la chambre à poudre, et lorsque le rapport de la longueur de la chambre à son diamètre est supérieur à une certaine quantité, on constate que les crushers indiquent des pressions anormalement élevées...; les surpressions observées ne correspondent pas à des pressions statiques élevées, mais à un phénomène dynamique ; cette action peut être suffisante pour détériorer le mécanisme de culasse."

Voyons, en l'absence de toute explication technique, quelles sont les suppositions :

  • La faible charge de poudre très lente s'enflamme avec un certain retard, mais la pression engendrée par la détonation de l'amorce a été suffisante pour faire démarrer le projectile qui est arrêté à la prise de rayure. Tout se passe comme si le canon était obturé
  • La détonation de l'amorce, une fraction de seconde avant l'inflammation, fragmente les grains de poudre ; la vivacité se trouve ainsi instantanément modifiée
  • La détonation de l'amorce projette la charge de poudre contre le culot du projectile, de telle façon qu'il se produit, au moment de l'inflammation, un Il effet de voûte ", lequel engendre une Il focalisation " de la pression d'avant en arrière (c'est en quelque sorte le principe de la charge creuse).

Nous noterons que les armes modernes, conçues pour tirer des cartouches à haute performance, dont la plupart sont précisément de type " over bore ", comportent des profils de chambre avec raccordement très long (free bore). La brusque élévation de pression due au moment critique du forcement (prise de rayure) se trouve diminuée par le fait que le projectile a déjà acquis, à ce moment, une certaine vitesse.

Donc, en règle générale, les poudres d'une vivacité inférieure à la Tubal 5 doivent être utilisées à pleine densité de chargement. Si l'on désire réduire les performances balistiques de la cartouche, il faut choisir un type de poudre de vivacité supérieure et réduire la charge.